jeudi 20 juillet 2017

Yann Lerat interviewé par Suzanne Shojaei

Yann Lerat
© Sud Photo Studio Cannes


Suzanne Shojaei : C’est donc vous, le papa de l'association Les Acteurs de Cannes ?
Yann Lerat : Oui, en quelque sorte, même si c'est le fruit d'un travail collectif. Les collectifs d'acteurs étaient à la mode à Paris il y a quelques années et on commençait à voir émerger léconomie collaborative. Ça répondait à un état desprit. Et puis je voulais que les comédiens soient représentés à la mairie de Cannes, comme ça se faisait au bureau des tournages de Strasbourg, par exemple. Je voulais aussi faire venir des coachs de comédiens, il fallait donc une structure légale. La mairie ma proposé de créer lassociation, alors je me suis lancé.

Êtes-vous, vous-même, originaire de Cannes ?
Pas du tout ! Je suis né à Paris, originaire dAlsace et je me suis installé à Cannes en 2009 parce que mon compagnon s'y était installé.

Il faudrait des kilomètres de parchemins pour énumérer toutes vos expériences. Théâtre, cinéma, publicité, télévision, court-métrage, clip... Rien ne vous arrête ?
Cest par opportunité, en fait. Je ne rechigne sur rien, à partir du moment où le projet mintéresse. Tout est intéressant dès lors quon aime changer de peau. Quand on me demande de refaire ce que jai déjà fait, je ne dis pas non, mais ça nest pas le plus intéressant.

Donc vous recherchez toujours la nouveauté ?
Cest vrai que la nouveauté est plus stimulante, oui.

Vous avez forcément une préférence...
Pas nécessairement sur le format. Cest surtout les personnages. Pour les petits rôles, bon, tu fais ton job. Mais ce qui est bien, cest quand tu dois composer ton personnage, sa psychologie. Quand tu te poses la question « pourquoi marche-t-il comme ça ? », « quelle est son enfance ? », « quels sont ses traumatismes ? ». Le jour-J, quand tu arrives sur le plateau, il faut déjà être habité. Le personnage est construit par pleins de petits détails, qui se travaillent en amont. Et construire un personnage permet aussi de se connaître soi-même. Jai eu une éducation catholique, où on culpabilise beaucoup. On est beaucoup dans le jugement. Mais quand tu travailles un personnage, tu ne le juges pas, même le pire des salauds.

Quelle est l’expérience que vous n’êtes pas prêt d’oublier ?
Cétait quand je commençais sur scène. Jétais une statue grecque, jétais nu sur scène. Enfin, javais un petit string blanc et mon corps était recouvert de poudre de magnésie pour donner laspect dune statue. Cette expérience restera parce que, déjà, jétais à poil, et puis parce qu'il y avait aussi un collègue en-dessous de moi, sous une estrade qui avait de quoi mater !

Et lexpérience que vous préfèreriez oublier ?
Je me suis cassé le poignet, sur un court-métrage étudiant tourné il y a quelques années à Paris. Je devais jouer une crise de folie et dans mes gesticulations, je suis tombé dun canapé et je me suis cassé le poignet. On a continué le tournage parce quil fallait quon termine dans les temps.

Avez-vous un projet que vous aimeriez réaliser à tous prix ?
Oui, être une femme ! Jadorerais ! Si possible, une femme qui a existé parce que tu dois vraiment étudier sa personnalité. Là, comme ça, je pense à Jackie par exemple (de Pablo Larrain, ndlr), interprétée par Natalie Portman. Incarner un personnage historique est une vraie performance, plus que pour un personnage de fiction, que tu inventes toi-même avec le réalisateur. Un personnage historique, cest un challenge supplémentaire.

Sur les réseaux sociaux, vos profils sont saturés de publications sur le cinéma. Vous mangez, dormez, respirez cinéma ?
Ouais ! (rire) Quasiment, oui. Quand on fait un métier par vocation, cest comme un trait de caractère. Tu es comédien quand tu te lèves le matin, quand tu vas manger, quand tu vas te coucher le soir... Dans tout, en fait. On peut ne penser quà ça, 24h/24.

Vous habitez sur la Côte d’Azur, vous êtes donc aux premières loges à chaque Festival de Cannes. Ça vous plaît, cet aspect bling-bling du métier ?
Non, pas spécialement. Ça peut être sympa, mais ce qui est intéressant, surtout, cest que les professionnels sont là. Le côté bling-bling fait partie de la légende donc il faut jouer le jeu.

Vous êtes également membre de plusieurs jurys. Lesquels ?
Cette année, jai fait partie du jury dun festival de théâtre de La Skema, qui est une grande école commerciale. Jai vu des petites compagnies de jeunes très doués. Jai aussi participé au jury de lécole Miroir, dont lobjectif est de mettre en avant des jeunes qui nauraient pas forcément accès aux métiers du cinéma, par leurs conditions sociales par exemple. Ça reste très cher, même si le conservatoire ne lest pas, les autres écoles le sont. Le Cours Florent, cest 400 euros par mois, pour dautres formations ça peut aller jusquà 1 000 euros par mois.
Jai aussi fait partie dun jury de festival de courts-métrages réalisés en 24 heures. Cétait sympa ! Au début, ça fait un peu peur parce que je me suis demandé si jétais assez vieux pour ça. Bon, jai 40 ans, cest peut-être une forme de reconnaissance !

Votre référence dans le cinéma ?
Jaime beaucoup Sean Penn (The Game, Accords et Désaccords, 21 grammes, The Tree of Life, ndlr). Surtout quand il interprète des personnages assez éloignés de lui. Cest John Malkovich (Les Saisons du Cœur, La Déchirure, Les Liaisons dangereuses, LEchange, ndlr) qui ma donné envie de faire ce métier. Jaime aussi Jack Nicholson (Vol au-dessus dun nid de coucou, Shining, Les Infiltrés, ndlr). Aussi bien pour sa carrière que pour sa personnalité. Il est très classe, très humble, très généreux. Cest quelquun que tu peux apercevoir sur la Croisette, allongé sur un banc à faire la sieste !

Un réalisateur ou un acteur avec lequel vous aimeriez travailler ?
Xavier Dolan (Laurence Anyways, Tom à la ferme, Mommy, Juste la fin du monde, ndlr). Son travail peut donner limpression de « masturbation psychologique » comme j'ai pu le lire dans la presse mais je trouve ça très intéressant. Moi, ça me parle. En plus, il a déjà mis en scène un homme qui veut se transformer en femme ! Mais bon, on ne travaille pas dans la même cour. Je bosse essentiellement en province, je nai pas accès aux mêmes castings quà Paris, Montréal ou New York.

Vous vous mettez des barrières ?
Non ! Cest peut-être à moi daller vers lui. Oui, tiens... Peut-être ! Sil lit cette interview, il verra que quelquun a envie de travailler avec lui.

Votre plat préféré ?
Les pâtes. Si possible, sans farine de blé donc les pâtes sans gluten, avec de la farine de maïs. Ça, jadore ! Accompagnées dun bon verre de Bordeaux, une noisette de beurre, du sel, du poivre et du fromage râpé... Cest top ! 

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